La COMPOSITION :

Sens de lecture :

Pour les occidentaux la lecture est naturellement la même que la littérature, de gauche à droite et de haut en bas.

En réalité, elle peut être conduite ou orientée par la composition, les lignes de force, un éclairage etc...

 

La règle des tiers :

Pour illustrer ce thème, j'ai choisi le célèbre tableau l'angélus de Millet, copié, pastiché, symbolisé presqu'autant que la Joconde. Dessous une représentation du même thème par Dali qui avait soupçonné dans ce tableau, un repentir et la science lui a donné raison, des radiographies montrent qu'à l'origine le panier était un cercueil d'enfant, mais on a suggéré à Millet de modifier le thème bien trop tragique pour avoir une chance d'être vendu.

Pourquoi les choses sont-elles représentées ainsi ?

La ligne d'horizon est située au tiers de la hauteur, on appelle ça la règle des tiers. Trop proche du bord, il y aurait un déséquilibre (au milieu, elle renforce une symétrie, position rarement utilisée, éventuellement lorsqu'il y a une véritable symétrie dans le sujet pour la rendre bien visible ou jouer avec).

Millet a choisi de placer la ligne d'horizon en haut pour montrer ses personnages (des paysans) avec la terre jusqu'au cou (façon symbolique de représenter leur condition). De même la position verticale des personnages est située juste au tiers, de manière à équilibrer la composition.

 

Dans son interprétation, Dali a choisi de situer l'horizon très bas pour 2 raisons : d'abord parce qu'il a dessiné de mémoire une scène qu'il a vu dans son enfance, ses parents recueillis sur la tombe de son frère. Pour lui, ils étaient donc géants, et son horizon était très bas, ici environ au quart de la hauteur.

Par divers artifices, il symbolise :

- son admiration (les corps élevés dans le ciel remplis de spiritualité),

- leur isolement (ils occupent le tiers central, le reste est vide),

- leur mutisme (ils sont en pierre), etc...

 

Ces 2 tableaux racontent toute une histoire par un simple jeu de placement des objets, ou la façon de les observer. De façon générale, on induit certains sentiments en utilisant la plongée, la contre plongée et plus communément, le niveau du regard et son orientation (c'est très utilisé aussi en vidéo).

C'est aussi vrai, concernant le l'orientation et le niveau du regard d'un ou plusieurs modèles photographiés (en vidéo, on parle aussi de l'effet Koulechov).

 

 

La règle de Fibonacci :

ainsi appelée parce qu'on a donné le nom de ce célèbre mathématicien, à une spirale particulière construite sur la base d'un rectangle d'or (voir figure ci-contre). La photo de «l'aixoise», a été réalisée au 25mm avec un M4/3 (équivalent 50mm en Plein format), elle est donc découpée pour obtenir un rectangle d'or (ratio : 1,618…) et la lecture en est facilitée, par un cadrage adéquat.

 

Dans la composition de l'image, on doit trouver le "contexte" dans la partie ouverte de la spirale (KE) et l'élément situé en (O)  capte le regard. Ne me demandez pas pourquoi il en est ainsi, je n'en ai aucune idée, mais ça marche.

 

A mon avis, cette zone est très voisine de l'intersection des lignes de tiers vues précédemment, ce n'est pas vraiment une explication car rien n'explique pourquoi ces intersections sont des points importants.

 

Il n'existe pas de capteur avec un tel ratio, c'est pourquoi, je recommande de cadrer toujours un peu large, pour réaliser le cadrage en post traitement. Le cadre parfait n'est pas forcément une "forme parfaite" (un carré, un cercle ou un rectangle d'or) cela peut être n'importe quelle forme qui s'adapte au sujet et/ou au lieu d'exposition.

 

Résumé :

A gauche, l'image originale. La lecture devrait être la suivante : Par beau temps, dans la rue, un petit chien suit sa maîtresse en short.

Au centre, un cadrage "rectangle d'or" : L’œil étant capté par la lumière, la lecture commence en haut dans la partie ouverte de la spirale.

A droite, un cadrage "règle des tiers" : Comme précédemment, l'oeil est capté par la zone lumineuse (A), en opposition à la zone sombre (B). Quelques éléments dirigent le regard vers le personnage principal qui porte des vêtements clairs.

Certains hybrides proposent une grille qui peut permettre au débutant de s'habituer à réaliser une composition à la prise de vue. Cette façon d'opérer demande du temps, le plus souvent, il est plus simple de cadrer un peu large, et refaire le cadrage au traitement de l'image. Même les dématriceurs proposent des ratios divers qui facilitent beaucoup les choix.

 

 

 

Les lignes de force :


Elles dirigent la lecture tout en construisant l'image.

Exemple simple : « La pêche au thon » de Dali que j'ai choisi pour sa force et sa simplicité. Dans un fouillis apparent, les 2 lignes de forces délimitent 3 zones à dominante bleue, verte et rouge, l'histoire est construite sur la diagonale de l'image.


 

Il serait nécessaire de multiplier les exemples, mais j'espère avoir suffisamment aiguisé votre curiosité pour vous inciter à fouiller un peu plus dans ce domaine.



A titre d'exemple, la composition vue par :

WIKIPEDIA     -     Un Photographe       -     Un paysagiste     -     Un LOMOGRAPHE

 

On remarquera qu'un des principes de la lomographie consiste à "violer" les règles, il est donc recommandé de  tenter de les appliquer avec succès avant de se lancer.

 

Quelques commentaires en conclusion :

Je conseille à ceux qui veulent donner vie et relief à leurs photos de visiter une expo guidée dans un musée. Le langage cinématographique utilise les mêmes codes, mais il est beaucoup plus complexe parce qu'en même temps, il y a le mouvement des sujets, de la caméra et le son, cependant c'est très instructif. Par exemple, la différence entre « zoomer » et « se déplacer par rapport au sujet » est bien mise en évidence lorsqu'on réalise une scène en mode « travelling » ou en mode « zooming », ces 2 modes n'ont pas le même rendu, et donc pas la même signification.

Si vous n'êtes pas convaincu : fixez une camera sur une voiture (permet d'excellent travelling à peu de frais) puis recommencer la même prise de vue en zoomant, et comparez le résultat.

 

Il serait dommage d'utiliser un outil aussi sophistiqué qu'un APN, avec une si belle nature comme sujet, pour n'en tirer que des images plates, ternes ou clinquantes et pleines d'artifices qui rendent notre monde si ennuyeux ou vulgaire. Ce serait faire insulte à nos ancêtres qui n'avaient pas les mêmes moyens pour la représenter. A la lueur d'une torche au fond d'une grotte, ils utilisaient les balbutiements de la chimie (ocres et charbon de bois, voire leur sang), leur adresse manuelle et beaucoup de génie.

 

Lorsque nous regardons un tableau de Van Gogh, nous sommes touchés, pas seulement parce qu'il maniait ses pinceaux avec dextérité, mais parce qu'il peignait les choses tel qu'il les voyait (avec ses troubles mentaux). Le rôle d'un photographe n'est pas de montrer un monde qui n'existe pas, mais de le montrer tel qu'il le voit, et tout le monde y détectera son accent de sincérité (je pense par exemple à Sarah Moon).

 

Il est préférable avant toute chose

1) d'exercer sa sensibilité visuelle : c'est en effet parce que vous êtes plus sensibles à certaines choses que vous serez capables de montrer aux autres ce qu'ils ne voient pas ou distinguent très mal.

2) d'exercer son insensibilité au monde visuel : c'est parce que vous restez neutre que la nature, telle que vous la restituez, est au plus proche de sa réalité.

 

Prochainement, encore un peu plus loin avec : Le vignettage  -  L'éclairage .